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« J’ai toujours préféré être près d’un cheval qu’assise sur son dos »

Monter à cheval n’est pas le rêve de tous les amoureux des chevaux. Si certains peinent à en parler, Guylaine Boilard nous livre un témoignage poignant et explique comment ses cours d’équitation thérapeutique l’ont aidée à aborder la vie plus positivement.

Pourriez-vous vous présenter ?

J’adore les chevaux depuis que je suis toute petite. Je me rappelle que mon père m’a emmenée dans un haras près de Drummondville. J’étais en admiration devant ces bêtes élégantes et gracieuses. Pour moi, suivre des cours d’équitation était impossible, en raison du coût. Aujourd’hui, j’ai 54 ans, habite à Trois-Rivières (Québec, Canada) et souffre de troubles de personnalité limite (TPL, borderline) depuis 2008. En mai 2017, j’étais si souffrante que j’envisageais l’aide médicale à mourir. J’ai alors eu l’opportunité de débuter un cours d’équitation thérapeutique avec une coach qui avait l’habitude de travailler avec des enfants autistes ou handicapés physiques mais pas encore avec une adulte ayant un problème de santé mentale.

 

Pourriez-vous nous en dire plus sur ces cours d’équitation thérapeutique ?

C’est sur internet que j’ai découvert l’équitation thérapeutique. Ces cours me permettaient de côtoyer les chevaux et m’aidaient à être moins souffrante, à être moins déchirée entre Vivre ou Mourir. J’ai suivi 54 cours d’équitation au Centre équestre Céraville en l’espace de deux ans. Cela a nécessité des sacrifices économiques mais ces cours avaient un tel bienfait sur ma santé mentale que j’étais prête à tous les sacrifices nécessaires pour poursuivre mon aventure vers une trajectoire victorieuse. Le premier cheval avec qui j’ai eu le bonheur de travailler s’appelait Sam et était âgé d’une vingtaine d’années. Il était d’un calme… Ce cheval m’a tant appris !

Ces cours avaient un tel bienfait sur ma santé mentale que j’étais prête à tous les sacrifices nécessaires pour poursuivre mon aventure vers une trajectoire victorieuse

 

Que vous a appris le cheval ?

Avec lui et grâce à lui, j’ai appris à mettre mes limites, à sortir de ma zone de confort, à être authentique dans mes émotions et mes ressentis. Un jour, il m’a même mordu la main et mon réflexe a été de laisser tomber sa laisse et de me mettre à pleurer en disant : « Mais qu’est-ce que j’ai fait de pas correct ? Oh Mon Dieu, Sam ne m’aime plus » ! Je me suis sentie rejeté par un cheval. Réflexe par excellence d’une TPL. Le sentiment de rejet, l’angoisse d’abandon, est la principale problématique des TPL. Évidemment, ma coach a été assez vindicative en me reprenant et en m’obligeant à être plus ferme avec mon cheval. Je comprenais le principe que c’était moi « le boss » et que mon cheval devait me respecter, mais j’étais incapable de mettre ce principe en application.

 

Qu’est-ce qui vous plaît tant chez les chevaux ?

J’ai toujours préféré être près d’un cheval qu’assise sur son dos. J’aime le brosser, le regarder dans les yeux, lui mettre sa selle, etc. J’aimais aussi travailler au sol avec lui comme le longer, lui faire faire des barres au sol, etc. Avec le recul, je crois que cette préférence est liée au contact visuel avec le cheval.

 

Le voir me remplissait de bonheur, de gratitude. Je me sentais à son niveau.

 

Assise sur lui, j’avais l’impression de devoir le dominer, ce que je détestais. Tous les autres élèves ne juraient que par monter, trotter, galoper sur un cheval. Mais pas moi. J’ai bien tenté d’être une bonne élève, d’être une bonne cavalière, mais la sensation de dominer mon cheval était omniprésente.

 

Vous avez arrêté ces cours ?

Il y avait des rumeurs que le centre équestre où j’allais régulièrement voir Sam en dehors de mes cours était à vendre. Le processus de deuil s’installa dès lors chez moi. Quitter avant d’être quittée, telle est ma devise. Lorsque ma coach m’a avisé que le centre équestre fermait, j’ai tant pleuré. J’avais l’impression que ma vie s’arrêtait. Elle m’a assuré que son employeur cherchait un autre endroit dans la région où nous pourrions poursuivre nos cours. Mais le mal était fait. Je devais faire le deuil de Sam, du centre équestre, de cet endroit magnifique où je passais des heures à admirer les chevaux et les paysages avoisinants. Jamais je n’ai envisagé poursuivre mes cours ailleurs que là où j’avais fait mes premiers pas vers Aimer la Vie. Pour moi, cet endroit de rêve, et Sam, mon cheval de cœur étaient unis pour la vie. Et même quand les négociations ont débuté pour racheter le Centre, mon processus de deuil était « trop » avancé pour revenir en arrière. Et si ça ne fonctionnait pas ? Je devrais recommencer mon deuil ? No way ! Je décidai donc de mettre un terme à mes cours. Mes problèmes de santé ont très bien justifié mon départ.

 

N'allez-vous plus voir Sam ?

Depuis mon dernier cours, au moins d’août 2019, je suis allée voir Sam à quelques reprises. Juste le voir et pouvoir le flatter et lui parler, lui confier mes peines, verser mes larmes sur lui me faisaient un bien fou. Mais ce n’est plus pareil. Et ça ne sera jamais plus pareil. Alors je m’éloigne. Bien sûr, j’imagine que la nouvelle propriétaire du centre équestre accepterait que j’aille voir Sam une fois par semaine pour le sortir de son box et simplement le brosser. Bien que je ne puisse plus me rendre au centre en autobus, dû à des changements dans les transports en commun de ma région, je pourrais faire l’aller-retour en taxi. Je pourrais. Mais est-ce que je le veux ? Je ne sais plus. Le doute de mériter un tel bonheur, une telle douceur dans ma vie est revenu dans mon esprit. Il y a quelque chose de très fort qui me pousse (repousse) vers la mort, vers la fin de ma souffrance.

 

Quel est votre rêve ?

Mon rêve est d’aller vivre à la campagne, seule, dans une jolie petite maison et d’avoir une écurie avec au moins un cheval. Un terrain où il pourrait galoper et se prélasser sous un arbre. Nous deviendrons complices, en route tous les deux vers une trajectoire victorieuse. J’ai le sourire en entendant ma conclusion. Je parle de rêve alors que deux secondes plus tôt j’évoque la mort. Pour une TPL, tout est noir ou blanc, pas de zone grise.

 

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